lundi 4 février 2013

L'ingénierie territoriale de conseil & assistance à l'heure de la réforme territoriale

Ou de l'ambition de construire avec les Pays des outils efficients

La réforme de l'intercommunalité et sa mise en oeuvre dans le département des Deux-Sèvres emmène son lot d'évolution et de changements, pour certains radicaux et pour d'autres plus mesurés, considérés comme une avancée ou au contraire un recul, histoires de caractère et de réflexions poussées à terme.

Le probable redécoupage issu de cette volonté plus ou moins partagée, volontaire ou subie, et de ces petits arrangements parfois, comme dans leur dos pour le Saint-Varentais et Plaine de Courance, est aussi associé a des changements "collatéraux" :

- disparition de structures, communautés et syndicats aux diverses compétences,

- interrogation et craintes sur la gestion de compétences et équipements jusqu'alors souvent exercés avec efficacité et coût réduit,

- création probable de nouvelles structures intercommunales pour palier le retour de compétences communautaires aux communes,

D'autres questions se poseront sur l'efficacité et l'efficience de compétences exercées à des échelles plus grandes, sur la relation de proximité entre les élus et leur population, sur les coûts qui ne pourront diminuer (structures rurales nombreuses à ne fonctionner que par le volontariat et le bénévolat des élus, a l'inverse revalorisation certaine de toutes les grilles des fonctionnaires sur les plus élevées de chaque intercommunalité, etc.).

Il est également de bon ton de vouloir la mort des Pays, structures les moins coûteuses, échelon ne coûtant d'ailleurs rien à l'Etat, mais comme ce dernier avait promis de supprimer des échelons, il en trouva au moins un qui ne pouvait se rebeller, parce que trop "petit". Sauf que bien que revenant sur sa décision, l'idée était lancée. Haro sur les Pays ! La reforme aura donc été complète... Du moins les "grands penseurs" parisiens et les "penseurs / suiveurs à la mode d'aujourd'hui" seront satisfaits.

Toutefois, il est nécessaire de préciser que ce que faisaient les Pays n'était pas fait par les autres et que d'exécuter ces structures sans autre procès est quelque peu excessif et de ce fait insignifiant...

Mais ce qui compte au plus haut point, c'est de savoir si le service rendu, service utile et nécessaire, sera apporté demain et dans quelles mesures il le sera réellement.

Plus généralement, il est peut être temps de dire les choses et de penser globalement...

En effet, la mission d'un Pays n'est pas de faire mais aider a faire...

Un Pays, ne prélevant pas l'impôt ne peut et ne doit pas gérer d'équipements lourds ou de compétences en terme de fonctionnement. Sa fragilité financière, compte tenu de sa fiscalité absente, ne lui permet pas de s'engager dans la gestion durable d'un service.


Quelles sont ses missions ?

- Aider par le conseil et l'assistance auprès des porteurs de projets, communautés de communes mais aussi et surtout communes, associations, particuliers.

- Soutenir par l'apport de financements organisés et répartis équitablement, et non égalitairement, dans le cadre de contractualisations avec le Département, la Région ou l'Europe (sachant que pour celle-ci il faut des territoires de 80000 habitants environ).

- Anticiper l'avenir et organiser l'ambition par la définition de grandes orientations les politiques locales et stratégiques (SCoT naturellement, Charte de territoire, Agenda 21, etc.).

Le Pays est un bras technique au service de tous, à la croisée des chemins de tous ceux qui décident, organisent et font. Il est le rouage des politiques publiques nationales ou régionales tout en accompagnant et la stratégie locale et les envies de faire.

La Solidarité

Selon les territoires, de grandes intercommunalités vont supplanter les plus petites existantes actuellement.

Sauf que si Monsieur le Préfet décidait de passer outre l'avis d'une Commission départementale de coopération intercommunale, qui dernièrement réunie a donné une image peu flatteuse de la représentation élective, d'autres communautés de communes pourraient perdurer, telles que Plaine de Courance et le Saint-Varentais par exemple.

Ces communautés, les plus petites, n'ont pas la capacité financière à pouvoir assumer seules des coûts relatifs à l'ingénierie territoriale.

Quant à dire que les communautés les plus importantes mobiliseraient déjà des moyens importants en créant leurs propres services d'assistance, ou de portage de programmes européens, c'est une ineptie. Ce service proratisé sur des intercommunalités plus grandes permet sans dépense supplémentaire de pouvoir faire profiter à plus de membres d'une ingénierie plus spécialisée et qualifiée.

Le principe de solidarité territoriale serait donc recherché, la conservation des Syndicats de Pays est alors pertinente.

Ce principe devrait aussi guider les autres aspects. N'est ce pas sous son sceau et celle de l'efficacité qu'on veut regrouper nos territoires, parfois même les faire fondre.???

L'Efficacité

L'efficacité des Pays tient entre autres par une approche équilibrée militante du développement territorial des chargés de mission, souvent très qualifiés, comme de la réactivité de ces petites structures (d'environ une dizaine a une quinzaine de techniciens), et de compétences variées. Leur pragmatisme est souvent un trait de caractère leur permettant de faire entrer des projets dans des cases, ou parfois même de faire adapter les cases aux projets...

L'efficacité se mesure aussi par l'adaptation de certains pays aux besoins de leurs membres ces derniers temps. Groupements de commandes pour parer de nouvelles normes ou réglementations permettent et de suppléer les secrétaires de mairie particulièrement sollicités et de bénéficier de prix intéressants notamment, voire même de subventions exceptionnelles.

Il va s'en dire que les communautés sont progressivement et assez logiquement devenues des outils de gestion, en perdant en capacité d'initiative.

Les communautés sont régulièrement empêtrées dans des processus lourds de décision de mobilisation des élus, des personnels, des moyens, même si souvent potentiellement importants, et d'avancement opérationnel. Tout en ayant raison gardée, les communautés deviennent des mammouths engoncés dans des habits trop étroits.

Le Pragmatisme

A l'origine de leur création dans les années 70, les pays sont fondés par des militants du développement local en dehors d'une notion strictement légale mais identitaire, encore à ce jour, et visant solidarité et action. Finalement la Loi ne les rattrapera que dans les années 95 (Loi Pasqua) et 98 (Loi Voynet) pour leur donner un statut, qui finalement importe peu.

Leur efficacité tient à cette volonté de construire, développer, animer, rendre vivant ce qui ne l'est pas encore. Donner matière à ce qui n'est encore qu'idée résume cette insatiable envie.

Son pragmatisme tient aussi au fait que son fonctionnement tient aux aides de tous, Communes, Communautés, Département, Région, Etat (parfois) et Europe. A cette croisée, les Pays savent que pour faire exister les projets, il faut intégrer de multiples paramètres et volontés, tout en laissant la capacité aux territoires qui le composent d'exprimer leurs propres volontés. Cet exercice d'équilibriste induit d'être au service de tous sans jamais abîmer le projet qui lui est confié initialement.

Cet exercice n'est ni simple, ni très flatteur pour celui qui le pratique. Il faut savoir rester dans l'ombre de celui qui porte le projet, tout en lui balisant le chemin. Mais l'humilité, indispensable à la diplomatie du développement local, peut être une faiblesse, comme c'est le cas désormais.

On peut reprocher aux Pays d'avoir un rôle mal déterminé, peu clair, de simple gestionnaire de financements, du fait de cette modestie. Le procès est grossier.

Il est plus difficile de rester dans l'ombre que de paraître dans la lumière, surtout lorsque tout pourrait vous y conduire. Alors les Pays disparaissant, qui assurerait le rôle de vigie, qui allumerait les bougies, qui soufflerait son texte à l'acteur, qui nettoierait la salle le spectacle terminé ?

Les "Grandes" communautés nouvellement créées rencontreront ce phénomène mais ne peuvent y apporter de réponse. La Nature est ainsi faite que si vous associez "le faire" et "l'aider à faire", autrement dit "maîtrise d'ouvrage" et "assistance à maîtrise d'ouvrage", le premier sera toujours ou presque privilégié... Plus motivant

Un phénomène naturel doit aussi être observé. Une structure ou pis un service intégré à la communauté ne travaille pas ou peu pour ses membres ou les partenaires (associations, privés, etc.). Ses techniciens préfèrent toujours la maîtrise d'ouvrage opérationnelle et privilégient les opérations de l'intercommunalité, donc de son employeur direct, et non de ses membres composant l'intercommunalité.

Ce fait acquis, il paraît plus pertinent a minima de constituer une structure distincte pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage, le portage de groupements de commandes (type d'opérations intéressant de plus en plus de collectivités) pour faire fasse à une certaine forme d'obligation de service.

Pour la prendre plus performante, les liens avec les membres doivent être des plus directs, structure ayant donc son propre budget, son propre personnel, son propre conseil d'administration... Finalement assez proche d'une Agence d'urbanisme...

Favoriser un élargissement à venir

Si les mariages de force et la carte de l'intercommunalité reste figée d'ici quelques semaines, le Pays de Gâtine sera composé de 5 établissements de coopération intercommunaux. Si la carte ne reprenait pas le contour de la CDCI, mais respectait le choix légitime et démocratique des élus locaux, le Saint-Varentais, la Communauté Plaine de Courance, et pourquoi pas le Val de Boutonne seraient alors dans des situations différentes.

Si l'on considère que "naturellement" ou "obligatoirement" à terme (sans même indiquer de temporalité) ces intercommunalités doivent former de nouveaux établissements, plus "grands", ceci impliquera la nécessité de garder des lieux où les élus, comme les entreprises ou les associations, peuvent se parler, se connaître, se confronter et rechercher le compromis dans la confiance. Ceci est d'autant plus vrai lorsqu'on observe un peu partout, peut être moins dans le Bocage, la mise en oeuvre des nouvelles intercommunalités, mise en oeuvre pénible, sans réel contrat de confiance... La confiance s'acquiert avec le temps et ne se décrète pas.

Les Pays de Gâtine, Thouarsais, le Comité de Bassin de vie du Niortais, dans une moindre mesure les Maisons de l'emploi, le Carug (historiquement à l'initiative de la fédération des territoires de Gâtine) constituent alors tout autant d'instances a préserver et conforter sur chacun de ces grands territoires.

Ils constituent les seuls espaces où les édiles et les acteurs clés se réunissent sans confrontation politique et de pouvoir, parce que justement démunis de compétences opérationnelles, et donc de rubans à couper...

Conserver des Pays, c'est finalement ne pas insulter l'avenir...

Les Financements

Le Département et la Région pourraient arrêter leur contractualisation, donc leur aide en matière d'ingénierie d'une part et pour la réalisation des projets d'autre part, et tout au moins vers les Pays en poursuivant des systèmes d'aides tournées vers les communes et les communautés avec des formes toujours plus "exigeantes" ou a l'inverse plus légères mais aussi subjectives dans l'évaluation des dossiers et l'attribution des aides (pourcentages variables en fonction de multiples critères non arrêtés...).

Il est parfois aussi question de mettre en place des appels à projets en direction des collectivités.

Les difficultés de ces évolutions sont multiples :

- absence réelle de lisibilité des aides financières et équité menacée entre collectivités,

- impossibilité pour des collectivités petites, communes et communautés, de pouvoir répondre aux appels à projets, notamment par une ingénierie insuffisante,

- instabilité des dispositifs alors que le temps des montages opérationnels sont de plus en plus lourds, longs et difficiles. Il faut à l'inverse une stabilité dans le temps, 5 à 6 ans,le temps d'un mandat, pour mettre en oeuvre des projets pertinents et complexes ou coûteux,

- mise en oeuvre de politiques départementales et régionales au détriment des besoins propres des territoires, etc.

Quoi qu'il en soit. Peu de collectivités disposent d'une réelle ingénierie et peuvent disposer de celle-ci pour monter des dossiers, ce qui renvoie au point précédent sur la solidarité. L'enjeu est d'autant plus élevé que l'ingénierie financière doit être couplée à l'ingénierie de projet.

Car si le financement peut orienter le projet, il faut conserver la "tête froide" et réaliser un investissement pertinent a la taille adaptée et aux enjeux bien mesurés. Les sirènes des financements peuvent se révéler fort dommageables, à chaque besoin correspond une échelle de projet. Pour cela il faut disposer des deux compétences en terme d'ingénierie du début a la fin, disposer également d'une vue de tous les financements pour le montage de plans (pluriannuels si nécessaire) d'investissements. Cette exigence pratique ôte toute possibilité d'accompagnement global et pourtant nécessaire à des structures de conseils, type Caue, Agence départementale touristique, etc. ou comme aux collectivités départementales et régionales, toujours engluées dans leurs logiques de pré-carré et incapables de travailler en transversalité, au sein même de leurs propres services.

Outre la taille et l'aptitude à monter et à lire les politiques publiques et dispositifs d'accompagnement financiers, il faut aussi prendre en compte les moyens octroyés par ces grandes collectivités aux Pays. Autrement dit, quelles seront les ressources de ces structures supports du développement territorial ?

Le Conseil régional Poitou-Charentes et le Conseil général des Deux-Sèvres financent l'ingénierie de ces structures de conseil et assistance et pourraient donc stopper ces aides au motif douteux que les nouvelles structures intercommunales peuvent en assumer seules le coût. Outre pour elles l'incertitude de retrouver un degré de qualification suffisant dans les communautés, elles se démettent sans ambages de leur propre initiative en ayant financé des postes pour améliorer la qualification des Pays depuis plusieurs années. Ceci augmenterait donc le coût d'une ingénierie propre au Pays. En sachant qu'il y a une très grande inégalité de cotisations sur ces structures,de 3-4 euros comme pour la Gâtine à 10, voire 20 euros pour certaines structures en Poitou-Charentes et même Deux-Sèvres pour des missions équivalentes !

Qui plus est si la communauté naissante souhaite réellement apporter un service de conseil et assistance, elle devra générer de nouvelles dépenses équivalentes, voire plus élevées, du fait de conditions salariales généralement meilleures dans les collectivités plus importantes. Ou alors c'est que ce service n'existe pas réellement et communes, partenaires, associations et entreprises ne seront pas réellement aidés.

Les structures légères de type Pays sont plus réactives également en besoin de personnels et de missions. Qui plus est des structures plus importantes permettent avec une enveloppe financière équivalente de pouvoir générer des compétences très qualifiées, et réparties sur plus de membres. Soit une ingénierie plus performante pour un moindre coût. Ce prétexte de la suppression des financements départementaux et régionaux est donc inopérant.

Le Pays, du passé à l'avenir, une solution efficiente

Les Pays, des agences d'urbanisme largement "améliorées", sachant allier compétences et expériences, conseil et assistance ainsi que définition stratégique pour nos territoires "infras" et "supras", porteurs des SCoT et des projets politiques pour des territoires identitaires permettront autant qu'ils seront forts d'exprimer au sein des communautés de communes des projets opérationnels ambitieux. Les uns ont besoin des autres sans être pour autant solubles.

En guise de conclusion, le fait d'avoir voulu ou de vouloir toujours rayer si vite de la carte une couche de notre millefeuille à travers les Pays, ne remplira aucun des enjeux qui vont se présenter à nos territoires pour les années à venir.

La solidarité, le pragmatisme et l'efficacité, les financements ainsi que l'anticipation de l'avenir insistent pour faire des Pays, non des structures du passé, mais plutôt une solution efficiente et ambitieuse.


Jean-Michel Prieur & Olivier Cubaud
Délégués de l'Alliance centriste des Deux-Sèvres
Mouvement fondateur de l'UDI
06 85 05 98 52